Tribune : En Guinée, la junte militaire dévoile son alcôve d’opacité

Article : Tribune : En Guinée, la junte militaire dévoile son alcôve d’opacité
Crédit: Wikimedia Commons
30 mars 2022

Tribune : En Guinée, la junte militaire dévoile son alcôve d’opacité

L’actualité fut très mouvementée dans la matinée de ce mardi 29 mars 2022 en Guinée. Elle a été fortement animée par des réactions croisées du commandant de la gendarmerie nationale et du procureur général près la Cour d’appel de Conakry.

Le colonel Balla Samoura fait beaucoup parler de lui ces derniers temps à Conakry, notamment sur des « dérapages » liés à des arrestations arbitraires, abus de pouvoir, immixtion dans le judiciaire… Ce qui a amené le procureur à faire donc appel à ses qualités d’intransigeance et de franc-parler pour recadrer le colonel Samoura : « Il n’est pas officier de police judiciaire ». Déclaration à laquelle le mis en cause a rétorqué « Je suis OPJ (officier de police judiciaire) à 100%. » Et suite à cette petite altercation sur les ondes de Radio Espace, dans le talk-show Les Grandes Gueules, le ministère de la justice annonce la suspension du procureur pour « faute disciplinaire ». Quelle idiotie !

Un pouvoir qui devient incertain et sournois

Jusque-là, la junte au pouvoir tenait une copie propre (ou truquée) sur sa gestion de la transition, en dépit des réserves grandissantes de ceux que je nomme solennellement aujourd’hui « les Guinéens les plus éclairés ». Ceux qui, par expérience du goût toujours acide de la chose guinéenne ou par sens élevé d’objectivité, ont fait montre de prudence dans l’enchantement national après le 5 septembre. Je suis peiné de le dire : la courte histoire du Comité national du rassemblement pour le développement (CNRD) est plus commode à leur donner raison que de prolonger mon maigre espoir en un pouvoir qui devient incertain et sournois.

La volonté inavouée de dissoudre le mouvement citoyen guinéen le plus crédible, le Front national pour la défense de la constitution (FNDC), la désignation du plus mystérieux des activistes de la Société civile (Dansa Kourouma) pour diriger le Conseil national de transition, le limogeage aussi surprenant qu’absurde de dame Fatoumata Yarie Soumah à la tête du Ministère de la Justice, l’arrestation pour des motifs flous du Commandant Alya (un des grands noms de l’assaut du 5 septembre)… tous ces agissement du CNRD étaient pourtant évidents pour émettre les premiers doutes sur sa bonne foi.

Et la bande à Doumbouya suspendit le magistrat le plus crédible du pays

A un moment donné, chaque pouvoir pose son acte de trop. C’est-à-dire commettre la dernière grosse faute qui précipite sa chute. Le CNRD aurait-il posé le sien ? En tout cas, en annonçant la suspension du procureur général près la Cour d’appel de Conakry, Alphonse Charles Wright, présenté comme le plus intègre et le plus incorruptible des magistrats du pays  ̶  il a fait ses preuves face à la dictature d’Alpha Condé  ̶ , la junte guinéenne renie en bloc tous les engagements qui ont fait ses premiers discours officiels, notamment la rengaine « La justice sera boussole… »

Quand la boussole désoriente

Là aussi, je n’aimerais pas donner raison aux sceptiques des premières heures mais leur abandon précipité du rêve CNRD se justifie maintenant très logiquement, surtout après cette gaffe du pouvoir de Conakry. En lieu et place de la justice de boussole, les Guinéens découvrent une justice partiale et partielle, et à la place de la dépersonnalisation de la chose publique, une autre promesse phare du CNRD, on découvre la confiscation du pays et de la République. Il suffit d’une seule seconde sur les réseaux sociaux guinéens pour comprendre la teneur du coup de massue infligé par cette folle décision de suspension. Quelle régression ! De toute façon, ce n’est pas la première fois que les Guinéens se font avoir par des militaires et civils qui promettent changement et installent désillusion.

Transition ou intemporalité ?

Personnellement, si dans ma dernière tribune je n’avais perdu espoir que pour une justice pour les opprimés, là, c’est tout le crédit que j’avais, jusqu’hier, pour la junte guinéenne qui s’effondre. La vraie question de l’intégrité et de la bonne foi de la junte se pose. Même s’il a tenté de rectifier le tir en suspendant aussi son Colonel Balla Samoura, je n’ai plus confiance au CNRD. Rien n’est plus certain. Enchantement ou désenchantement, je n’en sais plus rien !

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