Guinée : Examens nationaux 2021, quel élan !

Article : Guinée : Examens nationaux 2021, quel élan !
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21 juillet 2021

Guinée : Examens nationaux 2021, quel élan !

Le processus d’organisation des évaluations nationales de fin d’année semble imperméable cette fois-ci pour les démons de ce secteur habituellement souillé. Le professeur Bano Barry veut nous montrer toute l’étendue de son expertise en la matière. Mais, Seigneur, faites que tout cela ne soit pas confronté à l’inévitable réalité du syndrome guinéen de la magouille et de la triche, pour nous mener à des examens bâclés et monnayés.

Oui ! C’est toute l’inquiétude qui hante les esprits de toutes celles et tous ceux qui militent pour un système éducatif performant. Il faut donc prier pour ne pas que les démons l’emportent sur les anges. Sinon, très sincèrement, nous sommes en train d’assister aux réformes les plus pertinentes de la décennie dans le secteur de l’éducation ; du moins, sur le plan organisationnel des examens.

Nous sommes à 24h du coup d’envoi de ce qui sera les évaluations les plus surveillées de l’histoire de l’éducation guinéenne. Cette fois, comme vous le savez, c’est le baccalauréat qui ouvrira le bal. L’enjeu est grand. Aucune université guinéenne ne figure sur la liste des 100 meilleures universités africaines. Je dis bien : 100. Il faut dès maintenant préparer des étudiants compétitifs. Pour cela, la fraude et l’affairisme sont particulièrement pris pour cibles dans cette session 2021. Le professeur Bano a pris tout le monde de cours en révélant des mesures drastiques à cet effet. Avant de les égrener, posons d’abord le diagnostic des examens en Guinée. Eh bien ! Du point de vue de l’enseignant que je suis, si pratiquement à chaque année on assiste à des examens honteux, c’est la faute à trois entités. En 8 ans d’enseignement, j’ai été témoin de tout ce que j’avance :

–          C’est d’abord l’immorale et la très puissante école privée qui souille la crédibilité des examens en République de Guinée. C’est paradoxal parce qu’elle forme (très bien d’ailleurs, faut-il le souligner) l’écrasante majorité des candidats. Mais, mais, mais… il n’y a pas plus ennemis du système éducatif guinéen que les écoles privées. Si vous pensez que j’exagère, comment comprenez-vous alors qu’en plein baccalauréat par exemple, des traités photocopiés pour autant de candidats soient acheminés dans les salles ? Oui, les écoles privées possèdent un système de corruption très puissant. Elles peuvent mettre une grande partie de leur bénéfice annuel dans cette sale besogne. Rien à foutre de la crédibilité. Ce qui compte pour les fondateurs, c’est un pourcentage élevé, un fort taux d’admission qu’ils flanqueront fièrement sur les affiches pour plus de clients, pour ne pas dire élèves. Du pur commerce. C’est de cela dont il s’agit.   Et ça marche très bien. Les écoles privées ne corrompent pas les surveillants, mais tout un centre (surveillants et délégués y compris). Des sacs d’argent ne désemplissent pas les centres. Ainsi, un enseignant est infiltré dans une des salles vides du centre pour traiter le sujet du jour. Traité que les responsables du centre eux-mêmes feront parvenir aux candidats. Quel système ! Oui, j’en sais quelque chose.

–          En deuxième position de la trilogie infernale contre nos examens, viennent les autorités éducatives. Des surveillants qui n’ont pas déjeuné avant les épreuves et qui se laissent emporter par la plus déshonorante des manières pour un intellectuel : réclamer des cauris aux enfants en échange de complicité de fraude. Des délégués qui ont prié toute l’année pour être délégués. Ils savent que c’est la période la plus juteuse de l’année. Et d’ailleurs, pensant dissuader les écoles privées à la fraude, l’ex ministre K2 avait instauré sa tactique de ventilation : ça consiste à rassembler plusieurs écoles dans un centre. L’idée est bonne, sauf qu’il ne s’est pas rendu compte qu’il a créé ainsi une aubaine pour ses délégués, les représentants du MENA dans les différents centres. Maintenant, au lieu que ce ne soient une ou deux écoles privées qui mettent le paquet pour les corrompre, les délégués se font envahir par des dizaines de fondateurs. Que dire des services de centralisation des notes après correction ? Bon je sais qu’il y a de la magouille mais je ne suis pas témoin de ça. Quant à la correction, c’est la paresse et la médiocrité. Certains candidats au bac sont mieux que certains correcteurs, parce que sélectionnés par affinité.

–          Et enfin, en bas de la pyramide, se trouvent la médiocrité et l’inconscience des candidats et de quelques parents par moments. La conception des élèves en Guinée sur les études est dangereuse. Pour eux, c’est un cycle automatique ; un cycle programmé par rapport aux années. Si en 2020 j’étais en 12e année, en 2021 je serai candidat au bac, et en 2022 je dois être à l’université. C’est comme ça que ça marche dans leurs têtes. Pour eux, rien ne doit bouleverser cette programmation. Ce serait judicieux s’ils apprenaient au moins. Mais, rien que pour la conformité de leur classe à l’année programmée dans leurs têtes, les élèves guinéens sont prêts à tout.

Voici donc les trois entités auxquelles le système éducatif guinéen doit sa médiocrité. C’est ce que le professeur Bano semble avoir compris, avec quand même un premier échec à son actif. Cette fois, il est déterminé. Sa réputation de fin connaisseur du milieu est en jeu. Alors aux grands maux, les grands remèdes !

Jusque-là, toutes les dispositions prises à l’occasion des examens étaient des stratégies qui dorlotaient les candidats. Eh bien ! le MENA passe à l’offensive. Détecteurs de métaux pour éviter des évaluations Messenger ou WhatsApp ; enregistrement biométrique des candidats aux centres d’examen pour détecter l’usurpation et l’imposture. Et peut-être, des mails pour les sujets pour éviter des fuites. La batterie de mesure est inédite. Reste à savoir si la morale suivra. Car il n’y pas de système fiable sans homme fiable. Espérons que les lobbyings ne soient pas plus forts que le système.

Bonne chance à tous les candidats !

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