Guinée : focus sur Lamine Guirassy, PDG d’Hadafo Médias, le « Turbo »

Il y a quinze ans, le paysage médiatique guinéen enregistrait une violente intrusion d’un élément disparate. Dans un pays à une pratique monotone et caduque de la radio, à un style audiovisuel médiéval, un homme a décidé de tout changer, vraiment tout ! Il y a quinze ans donc, Lamine Guirassy lançait son média pour une révolution d’une allure inédite. Et depuis quinze (et sûrement pour toujours), l’homme règne en maître, laissant son ombre de professionnel engloutir les agitations minuscules qui germent désespérément dans le domaine. Comment fait-il ? Laissez-moi vous en parler, c’est mon patron.

Lamine ou l’emblème de la Guinée des temps modernes

Si vous venez en Guinée pour une première, ne pensez ni aux villes ni aux chefs. Le seul repère humain sur la carte postale est un journaliste-animateur. C’est Lamine Guirassy. En fait, c’est la représentation du rêve guinéen et l’incarnation de la réussite nationale. Avec son nom dans votre mémoire, aucune portion du territoire national ne risque de vous rejeter. Il est en nous; il est en nos rêves ; et il éclaire nos chemins par les rayons du sien déjà illuminé.

Le chantre du journalisme engagé

Chez les intellectuels intègres, il y a des valeurs inflexibles. Chez Lamine, c’est la liberté. Il en raffole. On sait tous que dans le métier de journaliste, la liberté de ton tient très souvent à la souplesse du pain : face aux journalistes les plus libres, se trouvent les corrupteurs les plus faibles. Et dans des pays comme la Guinée (84e sur 180 pays en termes de liberté de la presse, selon Reporters Sans Frontières), les journalistes sont très souvent soumis à deux types de musellement opérés par deux modes : le « pon » et le pain. Le « pon » (onomatopée d’un coup violent de répression) et le pain (l’argent ou tout autre type d’avantages pour l’achat des opinions des journalistes). Avec le « Turbo », il n’y a ni « pon » ni pain. Même les pingpongs d’amadouement et d’hostilité montrés par le défunt régime d’Alpha Condé n’y ont rien pu faire. Le monsieur a résisté à tout : extravagante proposition de rachat de son groupe de médias (on parle de six millions d’euros), interdiction à tous les membres du gouvernement de s’exprimer sur les antennes du groupe Hadafo Médias (du jamais vu dans l’ère moderne en Afrique subsaharienne). Moi, en tant que journaliste de ce média, j’ai senti les coups fatals du fait des robinets délibérément fermés par l’Etat guinéen. Vous savez comment vivent les médias… Mais notre patron nous a inculqué un esprit : liberté de ton (quel que soit le contexte difficile).

« Je pouvais facilement accepter l’offre et rejoindre ma famille à Paris. Mais ce serait trahir le peuple qui a investi sa confiance en moi, en nous.« 

Lamine Guirassy, septembre 2020

L’animateur hors-pair

Vous voulez écouter l’art dans l’air à travers les ondes ? Ecoutez Lamine Guirassy sur Radio Espace Guinée. Mais quel animateur ! Il faut rappeler que c’est son tout premier atterrissage dans le tarmac de l’audiovisuel. Il a d’abord épaté tant de peuples à travers les Antilles et l’Hexagone avant de montrer son autre atout avec le micro : le journalisme.

Avant lui, l’histoire de la Guinée a enseigné des profils d’animateurs atypiques. Mais quand Lamine s’est lancé dans l’arène, la Guinée a dû considérablement réviser son histoire culturelle, spécialement pour y inscrire, en lettres d’or, ces quatorze signes : LAMINE GUIRASSY. Des lettres désormais dithyrambiques dans la société guinéenne. Quand Lamine anime, vous pensez à Hermès et à Apollon. « Il donne envie de faire de la radio », affirme Bangaly Yansané, journaliste collaborateur de Lamine.

Le manager

Le livre La’Mine D’or de Bademba Barry (animateur sur Espace TV) a beau tenter d’analyser l’angle managérial du patron du groupe Hadafo Médias, mais des proches du concerné confient qu’aucun livre (donc à fortiori cet article) ne saurait décrire un seul des petits pans de la potentialité de Lamine dans ce domaine.

D’expérience personnelle, je vous confie que la magie de mon patron, surtout dans ses rapports avec ses collaborateurs, réside dans ses choix et propositions qu’il est capable de faire dans la vie d’autrui. Il est capable de vous faire voir quelque chose en vous que vous n’avez jamais vu. Il vous pousse à dépasser vos limites. Il vous met en challenge contre vous-même. Lamine, c’est le double-détenteur de la matraque (pour mettre la pression) et du sourire (pour adoucir votre humeur). Résultat : vous excellez ! Si ce n’est pas cela être le meilleur des managers, c’est cela alors être le prof de management.

Le détenteur du système Hadafo

Actuellement tout marche à merveille. Et cela ne risque pas de changer pour le groupe de médias le plus puissant du pays, voire d’Afrique de l’ouest. Mais il y a tout de même une inquiétude qu’on peut objectivement poser de façon interrogative : qui pour assurer l’après-Lamine ?

Au prime abord, cette question peut paraître anodine, jusqu’à ce qu’on mette de côté tout ce que le journaliste-animateur-patron accomplit dans son entreprise. Qu’est-ce qui reste ? Tout sauf la magie du Turbo. Et c’est justement cette magie qui fait toute la différence. Lui-même en est conscient. A la rentrée de la Saison XIV, répondant à la question de savoir qu’est-ce qui le différencie des autres patrons, Lamine avait répondu sèchement :

Peut-être c’est parce que je suis le seul à l’antenne.

Il a raison. Plusieurs patrons de médias ont tenté de le déboulonner en tentant maladroitement de combler ce trou qui leur manque cruellement (le fait qu’ils ne soient pas à l’antenne – ils ne peuvent pas). Mais personne n’en a encore réussi. Quand Lamine est à l’antenne, c’est lui qui dirige le pays parce que tous les Vrais Gens (c’est comme ça qu’il appelle ses auditeurs, et ils forment l’essentiel du peuple) le suivent. Ils suivent non seulement ses émissions, mais aussi son orientation et ses remarques sur l’actualité décryptée. C’est exactement ce qui lui a valu, en 2018, le titre de la deuxième personnalité la plus influente d’Afrique de l’ouest par Influence Magazine.

Lamine et moi

Le 1er mai 2020, quand j’ai reçu ce coup de fil magique de Lamine me disant de venir très rapidement à la radio, je ne m’attendais pas à être directement employé ce jour-là. Mais à mon arrivée, j’ai trouvé que le PDG a laissé une instruction. C’est là que j’ai vu Mohamed Diaby qui m’a conduit à la rédaction de la Radio Espace. Il s’est adressé à un certain Ousmane Tounkara, alors Directeur de l’information.

– Monsieur, voilà le jeune. On vous le confie, dit Mo Diaby.

– D’accord. Merci, répondit monsieur Tounkara. Bienvenue, jeune, ajouta-t-il.

Il était 11h 35 minutes. Je réalise difficilement que je venais d’intégrer ce groupe médiatique mythique. Je réalisais qu’un de mes plus grands rêves venait de devenir réalité. Quel bonheur ! C’est là que j’ai pris mon téléphone pour écrire au Boss.

– Merci pour la confiance, monsieur.

– Bienvenue à bord, jeune homme, me répondit-il.

Et ce fut parti pour une collaboration entre deux hommes d’une énergie débordante, d’une motivation au-dessus de la normale. Au fil du temps, la relation glisse vers la fraternité. Puis soudain, elle devient filiale: de père spirituel et fils. Je l’appelle « Turbo » , et lui il m’appelle « Le seul Sénateur de la République. » J’adore quand il dit ça dans le Morning pour m’introduire au journal !

Lamine en un mot selon ses journalistes

« Résistant » pour Nimatoulaye Baldé, « Rassembleur » pour Mohamed Junior Diallo, « Brave » pour Oumou Malifa Diallo, « Conquérant » pour Josué Santos Bilivogui, « Tenace » pour Théophile Fassa Mano, « Bosseur » pour Mamoudou Boulléré Diallo, « Idole » pour Viviane Hounkonnou, « Modèle » pour Mohamed Cissé, « Travailleur » pour Mamadou Saidou Lèbèrè Baldé, « Coach » pour Haoulatou Sow, « Mythe » pour Paul Fathia Tounkara, « Inspirateur » pour Hamdjata N’Diaye…

Et moi ? Je vous déballerai toute ma Vision Guirassienne, tôt ou tard, dans un livre, un de ces jours, par la grâce de Dieu !