Floraison de livres dans la littérature guinéenne : performance ou laisser-aller ?

Article : Floraison de livres dans la littérature guinéenne : performance ou laisser-aller ?
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20 septembre 2021

Floraison de livres dans la littérature guinéenne : performance ou laisser-aller ?

Depuis un certain temps, nous assistons presque quotidiennement à des parutions d’ouvrages en Guinée, le plus souvent au sein de la couche juvénile. Le phénomène s’est surtout accentué après la pluralité des maisons d’édition en Guinée. Est-ce une marque de performance littéraire ou un indice de libertinage dans le domaine ? La question a tout son pesant d’or.

La production littéraire guinéenne s’est fortement décuplée, notamment au cours de la dernière décennie. Dans un pays où la lecture est le loisir le moins prisé, des livres poussent comme des champignons. Dans un pays dont les plus légendaires auteurs sont méconnus par les élèves et même certains étudiants, les livres deviennent des trophées sociaux.

Avec cinq maisons d’édition en ma connaissance, l’industrie du livre en Guinée s’est refaite. Oui, l’industrie, elle, s’est peut-être trouvé un négoce plus ou moins juteux, mais quand est-il de la littérature elle-même ? Cette folle floraison d’ouvrages signifie-t-elle pour autant une prospérité à la très complexe notion littéraire ? C’est là, justement, qu’on retrouve le plus épineux problème créatif du moment. Tout écrit mérite-t-il d’être publié ? Non ! La littérature n’est certes pas une science, mais elle est régie par une pléiade de règles dont les plus élémentaires sont nécessaires à tout projet d’écriture.

De n’importe quel domaine de spécialité, tout lecteur averti peut témoigner de la dégringolade de la qualité des œuvres guinéennes. Je parle de qualité ? Mais, pour votre information, ce n’est plus une condition chez les éditeurs pour publier un livre. En Guinée, l’édition est devenue un business à seulement deux sections : imprimer et vendre. La littérature guinéenne s’est tellement métamorphosée qu’on a tendance à l’étudier sur trois grandes époques : trois générations donc. C’est sous cet angle qu’on pourrait mieux comprendre ce qui lui arrive.

La première génération, d’abord. Comme la Grèce, c’est avec la poésie que la Guinée fera son entrée dans la sphère littérature écrite, en 1950, avec le recueil Poèmes africains du très légendaire Keita Fodéba. Trois ans plus tard Camara Laye surprend le monde francophone avec L’enfant noir. Depuis, la Guinée s’est fièrement représentée dans le monde des lettres en Afrique. Pour preuve, tous les manuels scolaires de littérature ont mentionné comme œuvres à étudier, des livres comme Le Cercle des Tropiques de Fantouré, Les Crapauds-brousse de Monenembo, Saint Monsieur Baly de William Sassine, Soundjata ou l’épopée Mandingue de Djibril Tamsir Niane, entre autres.

La deuxième génération, ensuite. A part Monenembo, qui a résisté et qui a traversé toutes les époques, la littérature guinéenne commence à s’affaisser à partir des années 90. Il faut le reconnaître, la génération des Faceli Mara, des Lamine Kapi Camara, des Faya Gilbert Iffono, des Yamoussa Sidibé… possède de belles plumes mais n’a pas pu maintenir le niveau des ainés à l’échelle continentale.

La troisième génération, enfin. Moi je l’appelle la génération de l’ignorance littéraire, de la pauvreté intellectuelle, et du déficit de créativité. Toute brochure est publiable de nos jours. Le niveau n’a pas baissé, il a chuté. Le genre littéraire est notre cible de prédilection, nous auteurs de cette nouvelle génération. On n’y connaît rien du tout. Les romans sont devenus des manuels d’histoire, la poésie du rap, le théâtre n’existe plus; l’essai est devenu une dissertation, le pamphlet on n’ose pas.

Sur les 100 livres de la dernière édition du prix Orange du livre dont la Guinée préside le jury, aucun livre guinéen n’est n’a été sélectionné dans le lot des six finalistes, même pas des dix premiers, ni les 20 ou 25 premiers. Que faut-il faire ? Il faut règlementer le secteur. Que ne soit publié qu’un texte qui mérite de l’être. Pour cela, n’importe qui ne doit pas posséder une maison d’édition.

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